Entrer en conversation avec les œuvres


Entrer en conversation

avec les œuvres



Sur cette page, vous découvrirez plusieurs dispositifs qui visent à développer chez le lecteur (jeune ou moins jeune) sa capacité à entrer en conversation avec les œuvres. Chacun de ces dispositifs est éclairé par quelques apports théoriques.

Et si tu te glissais dans la peau du "petit lecteur" créé par C. Voltz


Des élèves de CM1 jouent aux petits lecteurs


Quelques éléments théoriques en écho


      Pour S. Martin, la lecture littéraire doit être vécue comme une expérience personnelle. Pour lui le lecteur est un « écouteur potentiellement raconteur » qui lie avec le texte « une relation transsubjective ». La lecture ce n'est pas un « dévoilement d’une information provisoirement cachée » dans le texte mais la mise en relation de voix, celles du texte bien sûr mais aussi celle de l’énonciateur réel (du lecteur), épaisse de toutes les expériences qu’il a déjà vécues ou lues. Et c’est le racontage qui permet de lancer cette relation.  Son ambition est de « faire écouter, de faire voir ce que l’oeuvre nous fait  ». Les modalités en sont multiples pourvu qu’elles permettent au lecteur de dire le texte, son texte, de (se) dire dans le texte, en somme de « faire œuvre avec les œuvres ». C'est ce que propose le dispositif du "petit lecteur".

     

       Le programme de cycle 3 préconise aussi cette appropriation subjective des oeuvres qui doit s’appuyer sur « une verbalisation de ses expériences de lecteur et sur un partage collectif des lectures ». Dans les repères de progressivité concernant la lecture en CM1-CM2, il est indiqué que "Les activités de lecture doivent permettre aux élèves de verbaliser, à l’oral ou à l’écrit, leur réception des textes et des œuvres : reformulation ou paraphrase, mise en relation avec son expérience et ses connaissances, mise en relation avec d’autres lectures ou d’autres œuvres, expression d’émotions, de jugements, à l’égard des personnages notamment.

          Nous retrouvons le sens de ces préconisations dans la pédagogie de la réponse héritée de L.-M. Rosenblatt. Pour elle, l’expérience littéraire est d’abord une expérience esthétique, or l’émotion esthétique est une expérience personnelle. L.-M. Rosenblatt oppose la lecture efférente, celle qui s’intéresse au sens public du texte, à la lecture esthétique qui « vise la matrice expériencielle, les référents personnels, les résonances qualitatives ». La pédagogie de la réponse invite le lecteur à engager une « conversation avec le texte », conversation qui peut prendre plusieurs formes : « recontage, paraphrase, retour sur des détails, devinettes, questions, associations personnelles, décodage culturel » mais à chaque fois, il s’agit bien, pour le lecteur, de transmettre son point de vue personnel.



Le cercle de lecture


Dans la présentation ci-dessous des éléments théoriques et pratiques sur les cercles de lecture.


Proposition : un cercle de lecture autour de l'album La chose perdue de Tan Shaun



La chose perdue est un ouvrage à la lisière entre album et bande dessinée.


L'auteur nous emmène dans un univers étrange. S'il fallait le ranger dans un genre, ce serait celui de la science-fiction. C'est plutôt rare pour un album jeunesse. Comme nombre de livres de ce genre, cet univers qui pourrait être notre futur nous interroge sur notre propre monde.


Au-delà du thème abordé, ce qui est particulièrement intéressant dans cet album c'est la façon dont l'auteur se sert à la fois du texte et des images pour construire le sens.


C'est un ouvrage destiné à des lecteurs âgés de 10 ans au moins mais qui peut intéresser les plus grands parce qu'il aborde des questions philosophiques comme par exemple la place de la technique dans notre monde.



Quelques éléments théoriques en écho


Les cercles de lecture sont une façon de faire vivre la communauté de lecteurs, cette communauté jugée indispensable par C. Tauveron. Pour elle, la lecture n’est pas seulement un « dialogue privé dans l’intimité de la relation texte-lecteur » mais aussi un « dialogue public » entre lecteurs, entre lectures. C’est grâce à ce dialogue public que l’appropriation du texte est possible parce qu’ aucun élève n'est (…) capable à lui seul de revêtir successivement tous les costumes, de remplir tous les blancs, de prêter attention aux données du texte et de mobiliser en même temps sa culture livresque pour jeter des ponts, poser des questions au texte, leur trouver des réponses, imaginer plusieurs hypothèses interprétatives et apporter pour chacune des preuves de validité, etc.


Seule la classe constituée en communauté de lecteurs peut en fait endosser les différents rôles présentés ci-dessus. C’est grâce au dialogue public aussi « que se pense, s’affine, se corrige ou se réoriente la lecture de chacun ». Le débat est le lieu de ce dialogue. Et parce qu’il ne s’agit pas dans ce débat de « produire de la parole à propos du texte » mais de « produire du sens en collaboration avec le texte, c’est-à-dire dialoguer avec lui, en tenant compte de ce qu’il est », c’est aussi, nous semble-t-il, le lieu où peuvent se construire des stratégies de compréhension-interprétation, en fait des règles qui vont permettre au lecteur de jouer avec le texte. (Tauveron, 1999)


Pour C. Tauveron, ces règles doivent être explicitées progressivement par le maître et les élèves. Et cette explicitation ne se fait pas en amont de la lecture mais au cœur même de celle-ci. Elle est avant tout métacognition et porte sur le travail interprétatif. Il est demandé aux élèves d’exposer aux autres la stratégie qu’ils ont utilisée pour accéder au sens qu’ils proposent. Cela permet non seulement de leur faire prendre conscience du chemin emprunté, « éventuellement d’en percevoir les limites » mais aussi de « faire comparer les voies empruntées par chacun pour accéder à une signification, de déterminer les lieux où le texte contraint, les zones qu’il laisse indéterminées ou incertaines et comment elles ont été remplies ». Les objectifs sont donc multiples : bien sûr s'approprier ce texte en particulier - une nouvelle reformulation demandée après ce travail collectif permettra à l’élève « d'opérer un retour évaluatif sur le chemin parcouru entre son interprétation spontanée initiale et son interprétation finale » mais aussi construire une représentation de ce qu’est interpréter et en particulier déterminer quels sont les droits et devoirs du lecteur par rapport au texte, donner à voir des stratégies possibles pour comprendre et interpréter, apprendre aux élèves « à évaluer la plus ou moins forte pertinence de leurs interprétations », autrement dit développer, chez eux, des stratégies de contrôle. Nous voyons ici que l’enseignement a pour objectif, au-delà du travail singulier sur un texte en particulier, de « construire des conduites de lecture réutilisables hors du contexte dans lequel elles ont été construites ». Doit donc intervenir à un moment ou un autre, un temps d’institutionnalisation, ce temps que le laboratoire CIRCEFT-ESCOL considère comme indispensable au passage du réussir au comprendre, comme la condition même du transfert. Selon les mots de J. Bernardin, il s’agit « de dégager le noyau dur de l’activité et d’en faire un objet de savoir générique que les élèves pourront transférer dans une situation de même nature », en l’occurrence un répertoire de règles. La constitution de ce répertoire au long de l’année, au fur et à mesure des lectures, construit de la continuité dans les apprentissages. Mais comme le souligne C. Tauveron, il n’y a pas un comportement général face à tous les textes. Chaque texte a une stratégie à laquelle le lecteur doit s’adapter. Il devra donc puiser, dans le répertoire constitué, les règles pertinentes. C’est en même temps ce qui fait la difficulté d’une lecture littéraire et sa richesse. 


Pour accompagner l’élève dans cette adaptation, le dispositif de présentation du texte est essentiel. Il conditionne en effet les stratégies que le lecteur mettra en oeuvre. Mais comme chaque texte est différent dans les questions qu’il pose au lecteur, il ne peut exister un dispositif unique. Celui-ci est à construire en fonction des problèmes de lecture engendrés par le texte lui-même, l’enjeu est que le dispositif fasse surgir, chez les élèves, des questions qu’ils ne se posaient pas et des réponses que l’enseignant n’attendait pas forcément. C. Tauveron en donne quelques exemples : « présenter conjointement texte et images vs occulter momentanément les images, présenter le texte in extenso vs le dévoiler progressivement en arrêtant la lecture aux endroits précis où se programme une erreur d’interprétation, fournir le titre ou le nom de l’auteur / oblitérer l’un ou l’autre ».


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